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Stress post-traumatique : rompre le silence

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Date(s)

du 1 octobre 2019 au 20 octobre 2019

Article The Conversation du Prof. Wissam El-Hage

 

Cet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Violence domestique, blessure grave, mort d’un être cher, maltraitance, viol, guerre, accident grave, catastrophes naturelles… Comme de nombreuses personnes, nous pouvons, au cours de notre existence, être confrontés à un événement traumatique.

Le plus souvent, nous nous en sortons sans conséquence significative à long terme. Toutefois, pour un certain nombre d’entre nous, ces événements traumatiques engendrent des symptômes très gênants au quotidien : flashbacks durant lesquels elles revivent l’expérience traumatique, cauchemars, peur persistante, évitement pathologique (de situations, de lieux, de souvenirs…), pensées négatives. Ces personnes souffrent de trouble de stress post‐traumatique.

Sans prise en charge, ce trouble risque de devenir chronique. Les personnes concernées voient alors leur santé se dégrader. Elles peuvent notamment développer des troubles cardiovasculaires ou un syndrome métabolique (trouble se traduisant par des désordres métaboliques qui augmentent les risques de diabète de type 2, de maladies cardiaques et d’accident vasculaire cérébral). Leur santé mentale est également affectée : elles peuvent développer des addictions, souffrir de dépression, d’une augmentation du risque suicidaire, ou de troubles somatoformes… Autant de problèmes dont les conséquences s’étendent aux sphères sociales et professionnelles des personnes qui en sont victimes.

Pourquoi certaines personnes expérimentent-elles un trouble de stress post-traumatique, et pas d’autres ? Une chose est certaine : il ne s’agit pas de l’expression d’une faiblesse personnelle. L’explication est plutôt à chercher du côté d’un dysfonctionnement des mécanismes biologiques qui nous permettent habituellement de surmonter les expériences de danger.

La cinétique de la peur

Pour comprendre le trouble de stress post-traumatique, nous devons d’abord comprendre le mécanisme utilisé par le cerveau pour faire face au danger. Les événements traumatiques engendrent un vécu de danger et de désarroi. Ce faisant, ils activent le système d’alarme du cerveau, le système limbique (impliqué notamment dans l’olfaction, la mémoire et la régulation des émotions). Objectif : engendrer des réactions de défense telles que lutte, fuite, inhibition.

L’exposition à un danger active ainsi l’axe du stress (hypothalamo-hypophysaire-surrénalien). Celui-ci envoie des signaux au système nerveux parasympathique, ce qui déclenche une réponse en cascade pour réguler le rythme cardiaque, la digestion, la respiration, afin de préparer l’organisme à l’action. Cette cascade biochimique inonde le corps d’hormones causant des changements physiologiques pour aider le corps à se défendre. Une fois le danger passé, en général les taux d’hormones de stress se normalisent. Mais ils peuvent aussi rester élevés, ce qui se traduit alors par une irritabilité, des cauchemars et d’autres symptômes de stress aigu.

Le plus souvent, ces symptômes disparaissent en quelques jours, mais chez un faible pourcentage de personnes traumatisées (7,8 % en population générale, 5 % des hommes et 10,4 % des femmes) les symptômes persistent avec une évolution variable. Les hormones de stress, dont le cortisol, continuent de déclencher le circuit de la peur. Cela s’exprime par de symptômes du trouble de stress post-traumatique, qui peuvent être classés en 4 catégories :

  • les pensées de répétition comme les cauchemars ou les flashback ;

  • l’évitement des souvenirs du traumatisme ;

  • les pensées et émotions négatives comme la peur, la honte, la culpabilité ou la colère ;

  • des symptômes neurovégétatifs comme l’irritabilité ou les troubles du sommeil.

Trop plein d’émotions

L’intensité et la durée des symptômes du trouble de stress post-traumatique varient d’un sujet à un autre, cependant la persistance des symptômes confirme le diagnostic.

Les causes sont multiples : elles peuvent être génétiques, résulter d’un stress permanent et intense, ou découler d’autres facteurs de risque tels que le manque de soutien émotionnel ou l’existence d’un antécédent de trouble mental.

Le quotidien des sujets souffrant de trouble de stress post-traumatique est compliqué par leur sensibilité accrue aux stimuli déclencheurs, d’apparence anodine pour les autres. Ces stimulus peuvent être physiques et émotionnels : face à une situation qui rappelle des éléments de l’événement traumatique, le cerveau confond danger et peur, entretenant des sensations d’insécurité. Par exemple, le bruit d’une voiture peut évoquer d’emblée le risque d’un accident grave.

Le sujet a une tendance naturelle à éviter les stimuli de rappel du traumatisme, lesquels sont imprévisibles, entraînant un évitement majeur et un isolement. Les personnes concernées se dévalorisent, se sentent ignorées, incomprises, déconnectées des autres.

Rompre le silence !

Les victimes de traumatismes éprouvent très souvent de la culpabilité, de la honte, ou de la colère… Autant d’émotions négatives qui les incitent à se murer dans le silence. Comment aider un proche souffrant de symptômes de trouble de stress post-traumatique ? En lui apportant votre soutien. L’acceptation et l’empathie sont les clés pour l’aider à guérir. Dites-lui que vous reconnaissez la difficulté de ce qu’il vit, ne le blâmez pas pour ses réactions. Écoutez-le parler de l’événement, encouragez-le à exprimer ses sentiments librement. Pour bien comprendre le silence des victimes avec un trouble de stress post-traumatique, il faut prendre la mesure de ce qu’elles traversent, de ce qu’elles ressentent, de ce qu’elles pensent, et de ce à quoi elles vont devoir faire face.

Expliquez-leur les différents symptômes possibles, et abordez également les aspects pratiques du quotidien. Pour les aider à sortir du silence, orientez-les vers les solutions qui existent. La première étape est de rencontrer un professionnel de la santé mentale qui pourra les orienter vers les ressources spécialisées disponibles. La psychothérapie est recommandée en première intention. En aidant à comprendre les déclencheurs, à faire face à ses peurs, à reprendre le contrôle de sa vie, elle peut s’avérer très efficace.

Certains médicaments rendent également les symptômes plus supportables. Ils peuvent être utilisés en plus des exercices de relaxation, d’une activité physique régulière et de techniques comme la méditation en pleine conscience. En cas de dépression associée, un traitement antidépresseur est indiqué. Et si la symptomatologie est sévère ou persistante, il faut envisager une consultation spécialisée.

Inciter les victimes à révéler leurs blessures cachées permet de les soigner, plutôt que de laisser la gangrène du trouble de stress post-traumatique progresser en silence.The Conversation

Wissam El-Hage, Professeur de Psychiatrie, Responsable du Centre Régional de Psychotraumatologie CVL , Université de Tours

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Prof. Wissam El-Hage :