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Stimuler les neurones du cerveau peut-il améliorer ses performances ?

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Date(s)

du 1 octobre 2019 au 20 octobre 2019

Article The Conversation du Prof. Catherine Belzung

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Sur Internet, les offres de stimulation cérébrale fleurissent : on peut trouver, en vente libre et pour une somme relativement modique, des dispositifs qui permettraient de stimuler électriquement et de façon non invasive certaines aires du cerveau, stratégie censée doper les capacités cognitives comme la mémoire, le raisonnement, le langage, y compris chez des sujets sains.

Cette technique est populaire chez les étudiants, qui pensent ainsi améliorer leur succès aux examens. La technique appelée « stimulation transcranienne à courant direct » est d’une simplicité presque déroutante : elle consiste à appliquer sur le cuir chevelu deux électrodes, une cathode et une anode, qui délivrent un courant électrique de faible intensité (1 ou 2 mAmp) au cerveau en transversant le cuir chevelu et le crâne, ce qui aurait comme effet de modifier l’activité neuronale de la zone ciblée. Le raisonnement est simple : il est basé sur l’idée que l’activité cognitive requiert l’activation d’aires cérébrales précises, et que ceci pourrait être facilité par cette technique de neurostimulation. Mais est-ce si simple ? Et est-ce que l’efficacité de cette approche a été démontrée ?

Stimulation placebo

La réponse est complexe. En effet, tout dépend des caractéristiques de la stimulation. De nombreuses études ont exploré l’efficacité d’une session unique de stimulation anodale trans-crânienne directe du cortex préfrontal (une région du cerveau supposée impliquée dans les fonctions cognitives) sur les performances dans des tests de mémoire ou de production langagière de sujets sains, sans atteinte cérébrale : malgré quelques résultats encourageants, des promesses et des espoirs, des méta-analyses ont révélé que cette approche était en réalité sans effet. Plus précisément, les effets relèvent du placebo.

Plusieurs explications à ce manque de résultats peuvent être apportées. Ceci peut être lié au fait que le courant appliqué n’était pas suffisamment focalisé, et se propageait parfois assez loin du site de stimulation. Ou alors à son inefficacité à moduler l’activité cérébrale : en effet, le célèbre électro-physiologiste américain Gyorgy Buzsaki, convaincu de son inefficacité, l’avait appliquée sur le crâne de cadavres humains. Il avait raison ! Il constata que l’os crânien et les tissus comme le cuir chevelu absorbent 75 % de la stimulation électrique, la rendant inefficace. Néanmoins, il est possible que la composition électrolytique de l’os crânien évolue après le décès, et ne soit pas comparable à celui d’un sujet en vie.

D’autres techniques existent, comme la stimulation magnétique transcrânienne (Transcranial Magnetic Stimulation : TMS) qui consiste à appliquer sur l’os crânien une stimulation magnétique (et non électrique), ce qui modifie l’activité neuronale des régions situées juste sous le site de la stimulation. Si cette stimulation est répétée au cours de plusieurs sessions quotidiennes, elle finit par rétablir un fonctionnement normal de la région cérébrale ciblée lorsqu’elle était altérée. Cette méthode, elle aussi non invasive, a été utilisée dans diverses pathologies psychiatriques caractérisées par une dysfonction du cortex préfrontal, par exemple la dépression, le stress post-traumatique ou la schizophrénie, avec des résultats prometteurs.

Stimulation par électrodes implantées dans le cerveau. Andreashorn/Wikipedia, CC BY-SA

Néanmoins, cette approche ne peut être utilisée que lorsque l’aire cérébrale est superficielle : elle est donc utilisée essentiellement pour stimuler le cortex. Lorsque l’aire défectueuse est située en profondeur dans le cerveau, la seule solution pour l’instant consiste à implanter par voie chirurgicale une électrode dans le cerveau, où elle restera à demeure. Celle-ci permettra de stimuler directement la zone défectueuse. Bien sûr, la nature invasive de cette technique, et l’absence de recul sur ses effets indésirables, en limite l’utilisation.

Plus récemment, d’autres équipes ont mis en lumière les effets neuromodulateurs d’une stimulation ultra-sonore (Kubanek, 2019) : cette approche permettrait de cibler des aires cérébrales profondes, de façon focale et non invasive. Cependant, de nombreux défis doivent être surmontés pour faciliter sa pénétration au travers de l’os crânien. Pour l’instant, elle n’a pas été utilisée de façon répétée pour traiter des pathologies psychiatriques.

Combinaison de deux traitements

Peut-on dire alors que c’est la fin des approches cognitives du traitement des pathologies psychiatriques ? Faut-il mettre les psychothérapies au placard ? Que la psychologie est désormais disqualifiée au profit d’une approche plus physique ? Loin s’en faut ! En effet, des études récentes ont montré que la neurostimulation pouvait moduler l’activité cérébrale et les fonctions cognitives avec d’autant plus d’efficacité que les aires visées étaient déjà actives ! Or, les psychothérapies comme les thérapies cognitivo-comportementales modulent l’activité du cortex préfrontal. La situation idéale consisterait donc à combiner les deux ! De fait, plusieurs études ont tenté cette approche chez des patients atteints de dépression ou de troubles anxieux. Les thérapeutes combinaient, au même moment, une session psychothérapie et l’administration d’une séance de neurostimulation non invasive par de la TMS. Répétée une dizaine de fois, cette combinaison a des effets thérapeutiques supérieurs à ceux de l’un ou l’autre de ces traitements appliqués isolement.

Alors, les étudiants qui utilisent ces techniques pour améliorer leurs performances mnésiques ont-ils raison ? Pour l’instant, on peut remarquer que ces techniques sont surtout efficaces pour contrecarrer un état pathologique, psychiatrique ou neurologique, ce qui n’est pas la même chose que d’« améliorer » un état normal. De plus, même si on peut s’imaginer que peut être un jour ces techniques pourraient augmenter la mémoire d’un sujet sain, elles ne pourront guère remplacer les révisions. En effet, elles peuvent améliorer quantitativement le fonctionnement d’une zone cérébrale, mais elles ne permettront jamais de greffer directement le contenu d’un cours sous forme d’engramme mnésique dans le cerveau ! La mise en mémoire d’un contenu reste un aspect qualitatif, qui dépend de l’implication de l’étudiant. Et ce raisonnement vaut aussi pour les pathologies psychiatriques. Améliorer le fonctionnement cérébral avec la neurostimulation peut être comparé aux lunettes de vue : ces dernières facilitent la perception visuelle, mais celui qui les porte reste l’acteur qui peut identifier le contenu de ce qui l’entoure.The Conversation

Catherine Belzung, Professor, Université de Tours

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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